Mélenchon plébiscité dans les territoires d’Amérique

Jean-Luc Mélenchon plébiscité dans les territoires d'Amérique
©désirade.fr
Emmanuel Macron et Marine Le Pen sont qualifiés pour le second tour de l’élection présidentielle, mais Jean-Luc Mélenchon marque les esprits dans les territoires d’Amérique. En réalité, s’il ne fallait prendre en compte que les votes de Guadeloupe, de Martinique et de Guyane, Jean-Luc Mélenchon aurait remporté l’élection présidentielle dès le premier tour.
Avec 56,16 % en Guadeloupe, 53,10 % en Martinique et 50,29 % en Guyane, il devance largement les deux autres, le président sortant, Emmanuel Macron (La République en marche), et la finaliste de 2017, Marine Le Pen (Rassemblement national). Ces derniers sont respectivement crédités de 13,43 % et 17,92 %, en Guadeloupe ; 16,30 % et 13,42 %, en Martinique et de 14,22 % et 17,66 %, en Guyane. En effet, on l’oublie parfois, il est toujours possible d’être élu dès le premier tour de l’élection présidentielle. Il suffit d’obtenir la majorité absolue et c’est la performance qu’a réalisée le leader de La France insoumise, malgré onze adversaires.

Une abstention record

Point négatif à ces résultats, le fort taux d’abstention : 55,24 % en Guadeloupe ; 57,33 % en Martinique et 66,84 % en Guyane. Le taux est tout de même légèrement plus bas qu’en 2017, puisque la participation a sensiblement progressé : + 4,72 points en Guadeloupe, + 2,78 en Martinique et + 1,81 en Guyane.
Dans la collectivité de Saint-Martin (ancienne commune de l’archipel de la Guadeloupe) les résultats vont dans le même sens. Certes, Mélenchon n’obtient pas la majorité absolue, mais, avec 35 % des suffrages, il devance les deux favoris : 25,2 % pour Macron et 14,9 % pour Le Pen. Là encore, on note un très fort taux d’abstention : 69,2 %, légèrement moins qu’en 2017 (73,7 %).

Saint-Barth, l’exception

La seule collectivité des Antilles à faire bande à part, c’est Saint-Barthélemy (autre ancienne commune de la Guadeloupe). Les Saint-Barth ont voté en faveur d’Emmanuel Macron, à 23,8 %, qui précède de peu Marine Le Pen (22,4 %). Jean-Luc Mélenchon est relégué à la 4e place avec 13,2 %, devancé par Éric Zemmour (17,7 %), qui s’intercale ainsi dans le trio.
Les Saint-Barth se montrent aussi plus citoyens en étant les seuls Antillais à voter à plus de 50 % (51,34 %) à l’occasion de ce premier tour.
Plus au nord des Antilles, Saint-Pierre-et-Miquelon place également Jean-Luc Mélenchon en tête avec 40,91 %, devant Emmanuel Macron (19,77 %), Marine Le Pen (16,99 %).

À contre-courant des sondages

Outre l’abstention devenue une habitude ces dernières années, ce qu’il faut retenir de ces résultats, c’est l’attitude de ces Français de l’océan Atlantique, qui vont à contre-courant des sondages. Sans doute, la gestion de la crise sanitaire, par l’équipe d’Emmanuel Macron, est passé par là. La situation sociale et économique de ces territoires d’Outre-Mer aussi. On se souvient des manifestions des 500 Frères de Guyane, en avril 2017 et, plus récemment, de la mobilisation des organisations syndicales de Guadeloupe, au cours du dernier trimestre de 2021. La vaccination obligatoire avait été un prétexte à plusieurs revendications liées au pouvoir d’achat, au taux de chômage exorbitants, voire aux problèmes d’eau. Le ministre des Outre-Mer, Sébastien Lecornu avait alors brandi l’étendard de l’autonomie, alors que ce n’était pas le débat réclamé par les élus.

Saint-Barth/Saint-Martin, des cousines bien différentes

Si, par conséquent, Saint-Barthélemy fait bande à part, c’est sans doute en raison de la bonne santé économique et financière de cette île, prisée par les stars, qui injectent depuis des décennies des millions de dollars et d’euros dans son économie. D’ailleurs, c’est cette assise financière qui a permis à ses dirigeants de bien négocier sa séparation de l’archipel de la Guadeloupe. Saint-Barthélemy devenue majeur après avoir une commune florissante de la Guadeloupe a eu les moyens de gérer son avenir, avec efficacité. Au contrairement à sa cousine saint-martinoise, avec laquelle elle est liée par une préfecture commune, est gangrénée par des situations de violence et une immigration complètement incontrôlée.
Saint-Barth joue donc la carte de la continuité donc, contrairement à la majorité des territoires d’Amérique, qui ont terriblement besoin de changement.

Marine Le Pen n’est plus persona non grata

Enfin, si Marine Le Pen, que l’ensemble de la France a choisi pour croiser le fer avec Emmanuel Macron, sort en tête dans ces territoires d’Amérique, il ne faudrait pas s’étonner. Il semble que son entreprise de dédiabolisation lancée depuis son échec de 2017 ait porté des fruits. On avait déjà pu le voir lors de sa tournée de campagne en Guadeloupe. Certes, la plupart des médias français avait retenu l’intervention violente d’un groupuscule de militants indépendantistes dans son hôtel, mais avec ces résultats, on peut dire que c’était un épiphénomène.
Ils ont beau accuser la présidente du Rassemblement national de racisme et de xénophobie, visiblement cet argument ne prend plus vraiment sous les tropiques, voire plus au nord. En Guadeloupe et en Guyane où le désordre est installé depuis longtemps en matière d’immigration, elle sort deuxième — impensable il y a quelques années — et il n’y a, sans doute, pas que les électeurs de type europoïde qui ont porté leurs suffrages sur son nom.
Cette sympathie pour Le Pen est le seul point commun d’une partie des électeurs guadeloupéens et guyanais ont avec ceux de Saint-Barth, dont le choix peut s’expliquer par l’histoire du peuplement et la peur de l’immigration incontrôlée.

Ailleurs en Outre-Mer

Les autres territoires d’Outre-Mer ont fait le même choix que l’Hexagone, à deux exceptions près : La Réunion qui a également plébiscité Mélenchon (40,26 ‰) devant Marine Le Pen, tandis que Mayotte a fait le choix inverse en portant en tête la patronne du RN (42,26 %).
À noter les résultats des deux départements de la Corse (la Haute Corse et la Corse du Sud) en faveur de Marine Le Pen.

Les résultats officiels sur le site du ministère de l’Intérieur
• Guadeloupe
• Martinique
• Guyane
• Saint-Martin/Saint-Barthélemy (*)
• Saint-Pierre-et-Miquelon
(*)Ces deux collectivités antillaises sont réunies dans la même préfecture, d’où l’addition des suffrages.
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